Alléluia pour mère Augustine !

Paru sur LesEchos.fr
par Thierry Gandillot 

Cinéma Un couvent de jeunes filles du Québec, dédié à la musique, est menacé de fermeture. Mère Augustine monte au créneau pour défendre son oeuvre. On y va, tabernacle !

Province de Québec, années 1960. Mère Augustine dirige un couvent de jeunes filles sur les bords de la rivière Richelieu, souvent prise par les glaces. La discipline est stricte, on s’en doute, l’uniforme de rigueur. Dans le dortoir, les espaces sont séparés par de simples rideaux. Pour indiquer que le repas peut commencer, on dit : « Vous avez vos permissions ! » En cours, soeur Lise, la professeure de français, est plus rigide que Vaugelas lui-même.

Cela dit, l’ambiance est plutôt bon enfant. Certaines soeurs sont progressistes. L’une d’entre elles, qui dénonce le « cheap labor » dont les religieuses sont victimes, ne dépareillerait pas dans un congrès syndical. Une autre s’amuse à faire cirer les parquets au rythme d’un quadrille.

Cette atmosphère bienveillante doit beaucoup à la personnalité de mère Augustine et à sa passion pour la musique. Toute la journée, le couvent résonne des fugues de Bach, des quatuors de Schubert ou des nocturnes de Chopin. La qualité de l’enseignement est telle que les ouailles de mère Augustine glanent, chaque année, les plus beaux prix du concours régional.

Cette réussite n’est pas sans provoquer quelques jalousies chez certaines « consoeurs ». Au niveau le plus élevé de la hiérarchie, la Générale ne goûte guère l’ouverture d’esprit de mère Augustine. Elle ne pratique guère non plus l’acte de charité. Bref, les triples croches menacent de finir en croche-pieds.

L’affaire se complique quand le gouvernement canadien instaure un système d’éducation publique qui contraint l’Eglise à réduire ses ambitions. Cette laïcisation forcée fut ressentie comme un tremblement de terre dans la Belle Province, où les religieux jouaient un rôle majeur dans l’enseignement. Les premières à faire les frais de la réforme furent les institutions de jeunes filles. Face à cette nouvelle donne, mère Augustine et ses soeurs décident de se battre; elles commencent par alerter la presse et organiser une journée portes ouvertes où leurs jeunes musiciennes brillent de mille feux. Si les journalistes sont éblouis, la Générale n’apprécie guère cette rébellion et le fait savoir.

Une vie tumultueuse

Pour complaire au gouvernement, les soeurs acceptent aussi d’abandonner la robe et surtout le voile, ce qui leur apparaît comme un renoncement. « C’est comme si on m’arrachait la peau », lâche, désemparée, l’une d’elles. Une autre – la soeur émule de Vaugelas – refusera longtemps de quitter sa chambre, où on lui porte ses repas, avant de rejoindre la communauté.

Malgré ces efforts, la fermeture est annoncée. La messe est-elle dite pour autant ? Mère Augustine n’a pas dit son dernier mot. On l’a compris, elle ne renonce pas aisément à ses convictions.

Par des retours en arrière judicieux, on découvrira que mère Augustine eut une vie tumultueuse avant le couvent mais fut obligée de renoncer à ses rêves. Céline Bonnier (mère Augustine) joue sa partition tout en douceur et en fermeté. En empathie avec son petit monde, elle sait aussi redresser la tête face à ceux qui veulent briser son oeuvre. La relation qu’elle entretient avec sa nièce rebelle, placée de force au couvent par sa mère, la soeur d’Augustine, ajoute de l’émotion à l’émotion. D’autant que la jeune fille se révélera virtuose du piano.

Le film de Léa Pool, délicat, émouvant et drôle, ne mérite que des alléluias ! On quitte à regret les soeurs Lise, Claude, Onésime, Huguette et Saint-Donat. Elles étaient devenues nos amies, on ne les oubliera pas. Deo gratias !

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